Le Premier ministre, Gabriel Attal, a appelé, mardi, les députés à ne pas « fuir leurs responsabilités » au moment d’un vote non contraignant sur l’accord bilatéral de sécurité conclu par la France avec l’Ukraine. Son intervention est suivie d’un débat et d’un vote. Après les déclarations d’Emmanuel Macron, qui n’exclut pas l’envoi de troupes au sol en Ukraine, la position des différents groupes parlementaires sera scrutée à la loupe.
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À l’initiative d’Emmanuel Macron, le Parlement se penche sur la stratégie française d’aide à l’Ukraine. Le Premier ministre, Gabriel Attal, a appelé, mardi 12 mars, les députés à ne pas « fuir leurs responsabilités ».
Dans son discours introductif, Gabriel Attal a salué sous les applaudissements la « résistance extraordinaire » du peuple ukrainien face à l’agression russe et présenté une victoire éventuelle des troupes de Moscou comme une menace non seulement pour l’Ukraine et ses voisins, mais pour l’ensemble de l’Europe.
« Évidemment que cette guerre a un coût dans la vie quotidienne (des Français), mais ce coût serait décuplé, sans commune mesure, si la Russie l’emportait sur l’Ukraine », a dit le Premier ministre, évoquant notamment l’agriculture et l’énergie.
« Tourner le dos à l’Ukraine, ce serait tourner le dos à nos valeurs. Ce ne serait certainement pas la paix, ce serait la porte ouverte à de nouveaux conflits et de nouvelles guerres », a-t-il insisté.
« Voter contre, c’est signifier à nos alliés que la France tourne le dos à son engagement et à son histoire » et « s’abstenir, c’est fuir, fuir ses responsabilités devant l’histoire, trahir ce qui nous est de plus cher depuis le 18 juin 1940 : l’esprit français de résistance », a déclaré le chef du gouvernement.
Évoquant l’accord de sécurité signé avec Kiev pour l’après-guerre, comme sept autres pays l’ont fait jusqu’à présent, Gabriel Attal a appelé à « l’esprit de responsabilité de chacun au moment de voter ».
- Quel est l’objet du vote ?
Après un débat, les députés se prononceront sur le discours du Premier ministre sur la stratégie d’aide à l’Ukraine et non sur le contenu de l’accord bilatéral franco-ukrainien signé à Paris le 16 février ou sur l’engagement financier de fournir « jusqu’à 3 milliards d’euros de soutien supplémentaire » à l’Ukraine en guerre.
Il s’agit d’un vote non contraignant que permet l’article 50-1 de la Constitution. Il stipule que « devant l’une ou l’autre des assemblées, le Gouvernement peut (…) faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité ».
L’accord bilatéral de sécurité conclu avec l’Ukraine le 16 février, prévoit « la fourniture d’une assistance globale à l’Ukraine » pour « le rétablissement de son intégrité territoriale dans ses frontières internationalement reconnues » pendant dix ans, « la dissuasion active et les mesures à prendre face à toute nouvelle agression » de la Russie, ainsi qu’un « soutien » à l’adhésion de Kiev à l’Union européenne et à « l’interopérabilité avec l’Otan ».
Avant sa visite à Paris, Volodymyr Zelensky s’est rendu en Allemagne où il a signé un accord de sécurité similaire avec le chancelier Olaf Scholz. En janvier, le Royaume-Uni et l’Ukraine avait également conclu un accord de sécurité d’une durée de dix ans
- Quelles sont les positions des groupes parlementaires ?
Suite aux déclarations d’Emmanuel Macron faites à Prague le 5 mars affirmant que la France ne devait se mettre « aucune limite » à son soutien à l’Ukraine, le président français souhaite une clarification des positions des forces politiques représentées à l’Assemblée nationale.
Plusieurs responsables d’opposition ont dénoncé une instrumentalisation de la question ukrainienne à des fins électorales alors que la campagne des élections européennes qui auront lieu du 6 au 9 juin 2024 commence.
Du côté de l’Élysée on espère sans doute mettre en évidence la russophilie de certains de ses opposants. À la veille du vote les positions des groupes parlementaires ne sont pas entièrement connues.
Vote à l’Assemblée nationale sur le soutien à l’Ukraine : « Il faut que chaque député dise en conscience ce qu’il pense (…) [Si on vote contre] c’est que l’on veut abandonner l’Ukraine et qu’on ne croit pas en l’Europe, que l’on se soumet à Poutine », Sylvain Maillard pic.twitter.com/5iOmlNq9H2
— TF1Info (@TF1Info) March 11, 2024
Le Rassemblement national a annoncé que ses parlementaires s’abstiendraient. Pour justifier cette décision, le tête de liste RN aux européennes Jordan Bardella a expliqué que la position défendue par Emmanuel Macron comportait « des lignes rouges », notamment l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’Otan. Il a également dénoncé le « principe de dissuasion active » évoqué dans l’accord de sécurité franco-ukrainien. « Il faut être très prudent. Oui à un soutien à l’Ukraine mais non à une guerre avec la Russie » affirme le président du RN.
Les Républicains n’ont pas arrêté de position et dénoncent une manœuvre politicienne.
Le discours ridicule des macronistes à #Lille a confirmé ce que j’ai dénoncé jeudi à l’Elysée.
Exploiter le conflit en Ukraine pour les élections #europeennes françaises est honteux, indigne et pitoyable !
— Eric Ciotti (@ECiotti) March 10, 2024
Les groupes Renaissance, Horizons, MoDem, Parti socialiste et Europe Écologie-Les Verts devraient se prononcer en faveur d’un soutien et d’une aide renforcée à l’Ukraine. Raphaël Glucksmann, tête de liste du PS aux européennes a appelé « tous ceux qui sont attachés à la démocratie et à la sécurité de l’Europe à voter cet accord ».
Du côté de La France insoumise, les députés vont voter contre la stratégie française d’aide à l’Ukraine. LFI affirme se prononcer ainsi « contre la guerre » et « contre l’élargissement de l’Otan et de l’Union européenne » à l’Ukraine, revendiquant ses divergences avec les socialistes, qui soutiendront de leur côté l’accord de sécurité scellé entre la France et l’Ukraine le 16 février.
Quant au secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, il a lui aussi affirmé que son groupe voterait contre « si le discours du Premier ministre reprend les éléments qu’il y a dans le traité » en accusant le camp présidentiel de devenir « le parti de la guerre ».
Après l’Assemblée, un débat similaire se tiendra au Sénat mercredi 13 mars.
Avec AFP