« Le président n’a jamais fait un choix qui était l’Algérie donc pas le Maroc. Il n’a jamais pensé non plus à faire l’inverse: le Maroc donc pas l’Algérie », explique une source diplomatique. « Nous ne percevons pas les relations franco-algériennes et franco-marocaines comme des vases communicants », insiste-t-elle.
Emmanuel Macron a missionné le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné d’écrire un nouveau chapitre des relations avec le Maroc après des années de brouilles diplomatiques liées notamment au rapprochement de Paris et Alger.
Lors de sa visite à Rabat le 26 février, Stéphane Séjourné avait affirmé avoir « choisi » le Maroc pour sa première visite au Maghreb en tant que nouveau chef de la diplomatie française.
Cette visite avait été précédée par l’accueil, à l’Elysée, par l’épouse du président, Brigitte Macron, des soeurs du roi du Maroc Mohammed VI.
Pour Pierre Vermeren, historien et professeur à l’Université de la Sorbonne, le « en même temps » voulu par l’Elysée « n’est ni une option, ni un choix, c’est une obligation pour la France qui se doit d’avoir des relations correctes à la fois avec le Maroc et avec l’Algérie ».
« Les événements au Moyen Orient, l’intensification de la guerre en Ukraine, les difficultés au Sahel obligent un retour à la raison », dit-il, relevant que ce retour est « partagé » par les trois pays qui « ont besoin les uns des autres ».
Sur le plan intérieur, Emmanuel Macron subissait en outre « une pression forte » pour rééquilibrer sa diplomatie au Maghreb, de nombreux parlementaires français, « ténors » de la politique et même l’ancien président Nicolas Sarkozy ayant poussé pour renouer avec Rabat, ajoute Hasni Abidi, du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.
Le message a été clairement passé que « non seulement la France ne gagnera pas l’Algérie mais qu’elle risquait de perdre le Maroc », souligne-t-il.
Du côté de Rabat, la France se révèle être finalement un partenaire plus fiable « sur le long terme » que les Etats-Unis ou Israël, décrypte Pierre Vermeren. Car le Maghreb n’est pas une priorité de Washington tandis qu’Israël, avec qui le Maroc a normalisé ses relations, est désormais « discrédité » sur la scène arabe depuis la guerre avec le Hamas à Gaza.
Des promesses et des prouesses…
Parallèlement, le moment semble plus propice au rapprochement avec Alger qui n’a pas profité du vide laissé par les Français au Sahel. Pire, l’Algérie semble se retrouver dans la même position que la France au Mali, alors que la junte au pouvoir a mis fin à l’accord d’Alger signé en 2015 avec les groupes indépendantistes du nord du pays, longtemps considéré comme essentiel pour stabiliser le pays.
« Le Sahel (…) attire toutes les puissances hégémoniques, surtout les puissances impériales islamistes. Cela dérange le Maroc, l’Algérie et la France, ce qui crée un terrain de consensus », poursuit le professeur de la Sorbonne.
La question du Sahel n’est pas centrale dans la réconciliation mais « elle y participe », dit-il.
Renouer durablement avec les deux pays simultanément relève néanmoins de la quadrature du cercle.
Les experts rappellent que pour le Maroc, la question de la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara reste incontournable pour une pleine réconciliation avec Paris.
Sur ce sujet hautement sensible, le ministre français des Affaires étrangères s’est montré « d’une extrême prudence », note Hasni Abidi. Certes, il a reconnu que c’était « un enjeu existentiel pour le Maroc ».
Cette question est aussi centrale pour la France, observe-t-il. Le Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole, est contrôlé en majeure partie par le Maroc mais revendiqué par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l’Algérie.
Reconnaître la souveraineté marocaine, c’est s’exposer à de nouvelles frictions avec Alger.
« La France est constamment sur une corde raide », conclut Hasni Abidi.