Cela commence à démanger vigoureusement. Une ascension à décourager tout candidat à la pratique académique d’un art aux règles de base immuablement établies. En revanche, cela donne à réfléchir à de célèbres inconnus, des bras cassés, multi fracturés. Ce qui fleurit avec l’appui de tristes acteurs du secteur, entre producteurs, réalisateurs, diffuseurs ou assimilés. Qu’à cela ne tienne, l’insignifiance prend de plus en plus de sens dans un espace culturellement cabossé. Un portefaix transformé en artiste -comédien puis réalisateur- est une performance que la terre entière devrait nous envier.
Et lorsque des officiels se mêlent à cette hideuse danse, les faux-pas s’accumulent. Confondant salle de projection et salle de cinéma, le jeune ministre de la Culture s’enorgueillit de prendre la pose avec le personnage plus emblématique du saccage cinématographique du pays. Une photographie l’immortalise, tenant la main de Abdallah Toukouna Ferkous, né à notre insu en février 1965. Le Marrakchi squatte avec véhémence les deux chaînes nationales lors de chaque mois de Ramadan, quand il ne nous déverse pas quelques bonus le restant de l’année. Quant à ses sévices à l’endroit du grand écran, ils ne sont plus à vitupérer : le seau est plein. Et voilà l’honorable Commission d’aide à la production des œuvres cinématographiques qui vient apposer sa pierre à l’édifice bancale d’un genre au tintamarre flamboyant. A l’issue d’une distraction organisée entre le 10 et le 18 mars, elle octroie à l’inénarrable Ferkous une avance sur recettes avant production de 2 millions 500 mille généreux dirhams pour le long métrage « Al Khataba », assurément un futur chef-d’œuvre. Et comme le règlement n’autorise aucun passe-droit, disons que la vie gâte cet être qui se constitue prisonnier d’un cinéma spontané, ce qui lui économise des heures de réflexions et de préparations.
La scène cinématographique marocaine semble donc voguer vers une période troublante, où les critères de qualité et de pertinence artistique semblent perdre de leur importance au profit d’une célébrité éphémère et discutable. Ferkous incarne à lui seul ce dilemme : adulé par les masses pour ses rôles burlesques, mais critiqué pour sa contribution cinématographique jugée médiocre par les puristes du septième art.
En fin de compte, que retenir de cette étrange histoire ? Peut-être que la popularité et la reconnaissance ne sont pas toujours des indicateurs de qualité artistique. Peut-être que le cinéma, comme tout art, mérite d’être apprécié et évalué selon des critères plus exigeants que la simple notoriété. Et peut-être que Ferkous, malgré ses défauts et ses détracteurs, incarne malgré tout une facette importante de la diversité et de la richesse du paysage cinématographique marocain. À chacun d’en juger, mais une chose est sûre : le débat est ouvert, et Ferkous continue de faire parler de lui, pour le meilleur et pour le pire.