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Le fiasco télévisé de Tebboune

La rencontre du président algérien Abdelmadjid Tebboune avec deux journalistes de la presse gouvernementale, diffusée dans la soirée du 30 mars, a été un véritable bide. Un fiasco sur toute la ligne tant l’homme a fait preuve d’un manque total de maîtrise des sujets abordés. Il est allé jusqu’à donner des chiffres extravagants et promettre des projets irréalisables dont certains relèvent de l’utopie.

Attendu sur la question de la présidentielle anticipée annoncée le jeudi 21 mars à l’issue d’une réunion d’un certain nombre de personnalités nullement habilitées, constitutionnellement, à prendre pareille décision, le président Tebboune a, pratiquement botté en touche. Pourtant, la question avait été préparée avant l’enregistrement. Un enregistrement revu et corrigé vingt-quatre heures avant sa diffusion.

Une question aussi importante que l’élection présidentielle, l’évènement le plus important de l’année, le président algérien l’a pris avec désinvolture, en réduisant la cause de la décision de l’anticipation, qui signifie, notamment, l’écourtement de son mandat, à des raisons d’ordre « purement techniques sans incidence aucune sur l’élection ». Et de justifier ces raisons techniques en disant « le mois de décembre n’est pas le mois des élections en Algérie ». Pour lui, tout le reste n’est que spéculations. En somme, on doit comprendre qu’il s’agit d’une décision banale pour un événement banal qui ne mérite aucune attention ou explication. Or, il s’agit d’un acte politique de haute importance que les autorités algériennes, à leur tête le président Tebboune, souhaitent reléguer en seconde zone des préoccupations populaires.

Plus étonnant encore, le président en a, beaucoup, voulu à tous ceux qui ont cherché à comprendre et à connaître les raisons de la décision d’anticiper la présidentielle. L’un des deux journalistes, qui l’interviewaient, lui tend la perche pour qualifier d’ennemis de l’Algérie ceux qui analysent et commentent la décision. Tebboune saute sur l’occasion, pour les maudire et « prier Dieu de les accabler par les maladies ». Du jamais vu !

Interrogé indirectement s’il compte briguer un second mandat, Abdelmadjid Tebboune a estimé que « le moment n’est pas propice pour se décider ». Et il ne manque pas de se contredire tout au long de cette rencontre par des extrapolations qui font croire que l’élection du 07 septembre n’est, en réalité, qu’une simple formalité à remplir. Ainsi, il promet des augmentations de salaire de 57% en 2026 dans le prolongement des 43% faites au début de son mandat en 2020 comme pour dire qu’il y a continuité de son action à la tête de l’Etat. Il appuie sur cette continuité en promettant une augmentation du PIB global jusqu’à 400 milliards de dollars en 2026. Et, cerise sur le gâteau, il considère sa visite d’Etat à Paris, programmée entre fin septembre et début octobre, « toujours d’actualité ». Il dira à ce sujet « C’est une visite historique qu’il ne faudrait pas rater ».

Si l’on comprend bien, Abdelmadjid Tebboune se voit reconduit pour un deuxième mandat et que les résultats de la présidentielle de septembre prochain sont connus d’avance. « C’est une véritable insulte aux Algériens et une annonce sans ambages d’une fraude à grande échelle » commente un opposant politique. Tebboune a tendance à oublier que l’élection de 2019, qui lui a ouvert les portes du palais présidentiel d’El-Mouradia, a été boycottée par le peuple au point où deux départements, Tizi-Ouzou et Bejaïa, ont enregistré un taux de participation nul. Pas un seul votant dans les deux départements. Même les officiels (préfet, chef du secteur militaire, chef de sûreté départementale, commandant du groupement de la gendarmerie nationale et tous leurs personnels) ne s’étaient pas rendus aux bureaux de vote sous la pression des manifestants qui ont fermés tous les bureaux de vote.

La fraude, en tous les cas, est annoncée pour la présidentielle de septembre quel que soit le candidat du pouvoir. Nul besoin d’être grand clerc pour la deviner. Une seule date a été retenue pour le scrutin : le 7 septembre. Ce qui signifie qu’il n’y aura qu’un seul tour. Or, dans les pays démocratiques pour une élection pluraliste on doit, toujours, prévoir un deuxième tour.

Si les réponses de Tebboune aux questions nullement gênantes posées par deux journalistes appelés beaucoup plus à servir la soupe, comme on dit dans le jargon journalistique, n’ont rien apporté aux observateurs de la scène politique algérienne, sa sortie télévisée a brillé par les monumentales bourdes dont il est le seul à détenir les secrets.

Ces bourdes, qu’il est interdit de commenter dans les médias algériens, ont provoqué une hilarité sans précédent sur les réseaux sociaux. La plus comique est incontestablement celle relative au taux de change de la monnaie algérienne sur le marché financier. Pour Tebboune, « le Dinar algérien s’échange, actuellement, à 140 dollars US. Il faut le ramener à 100 dollars US pour faciliter les importations ». Une bourde qui ne sera pas la première et la dernière de la soirée.

La promesse de faire augmenter le PIB à plus de 400 milliards de dollars en 2026 est à mettre sur le compte des extravagances du chef de l’Etat algérien qui aime gonfler les chiffres pour dire sans hésitation aucune que « l’Algérie sera en 2026 un pays émergent et non plus un pays en voie de développement ». Tebboune ignore-t-il que ce pays émergent est paralysé économiquement depuis son investiture ? Ignore-t-il que l’Algérie n’a pas un seul projet économique capable d’enrayer, en partie au moins, l’endémique chômage qui ferme tous les horizons d’une jeunesse qui n’a pour seule voie de salut que l’émigration clandestine ? Ce phénomène d’émigration clandestine, le président algérien, a promis de le résoudre, au cours de cette rencontre de presse, dans les deux prochains mois. « Dans deux mois, on ne parlera plus de ce sujet. Tous les clandestins algériens à l’étranger seront régularisés » dit-il avec assurance. Comment se fera cette régularisation ? Les deux journalistes n’ont pas osé poser la question et Tebboune n’a pas jugé utile de l’expliquer. Une bourde de plus.

Ce pays émergent, que promet Tebboune à l’horizon 2026, parviendra-t-il à satisfaire les besoins de la population en lait ? La réponse du président algérien sera le clou de ce florilège de bourdes. « Nous sommes sur le point de signer un contrat pour la réalisation d’une exploitation agricole de 100.000 hectares à Adrar pour la production de la poudre de lait ». Il y a de quoi tomber à la renverse en écoutant pareille annonce. C’est l’hilarité à tout rompre sur les réseaux sociaux.

D’abord, le président algérien ne dit pas que cette exploitation agricole servirait à l’élevage bovin. Il dit « on va produire notre poudre de lait ». Ensuite, même s’il sous-entend l’élevage bovin, il y a lieu de lui expliquer que 100.000 hectares c’est la surface de l’Etat du Bahreïn et de Malte réunis. Pour les rentabiliser, il faudrait 70 vaches par hectare. Au total on aura besoin de 7 millions de vaches. D’où ramènera-t-on, ces 7 millions de vaches laitières ? Et comment les faire vivre en plein désert ? Y a-t-il suffisamment d’eau à Adrar pour tout ce bétail ?

D’où leur ramènera-t-on les 392.000 tonnes d’aliments de bétail nécessaires quotidiennement ? Et un connaisseur en la matière d’interroger « En admettant que l’Office Algérien Interprofessionnel des Céréales (OAIC) parvienne à satisfaire ces besoins chaque jour, il faudrait 95.000 camions semi-remorques par jour pour livrer l’exploitation d’Adrar. Ceci sans compter l’eau, le pâturage, les fourrages, les produits pharmaceutiques vétérinaires et surtout la main d’œuvre et son logement. A raison d’un employé pour 200 vaches à gérer (alimentation, soins, nettoyage des sols etc.) il faudrait 35.000 salariés, presqu’autant qu’à la société pétrolière SONATRACH.

Cette bourde tebbounienne nous rappelle une autre qu’il avait lancée, au mois de septembre 2023, devant des chefs d’État et des délégations du monde entier lors de la 78ème Assemblée générale de l’ONU, en parlant du dessalement de l’eau de mer. Il annonça que l’Algérie est en mesure de « dessaler 1,3 milliard de m3 d’eau par jour d’ici fin 2024 ». Ce qui signifie, tout simplement, l’assèchement de la méditerranée en quelques mois.

A entendre le président algérien multiplier les étourderies et méprises de ce genre, il y a de quoi s’interroger « y a-t-il des conseillers au palais d’El-Mouradia ? » Une question qui reste ouverte.

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