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Devant la tour Eiffel, l’inscription de I’IVG dans la Constitution suscite une « joie immense »



Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées lundi après-midi sur l’esplanade du Trocadéro à Paris pour suivre en direct la séance et le vote du Congrès visant à inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution française. Un moment historique que tous voulaient célébrer ensemble, convaincus d’envoyer un message d’espoir aux femmes et féministes du monde entier. 

« On l’a fait ! » Devant la foule venue assister à l’événement, les associations féministes exultent, prenant la parole tour à tour sur l’estrade installée devant la tour Eiffel. Après deux votes conformes de l’Assemblée nationale et du Sénat en l’espace d’un mois, le Congrès a approuvé, lundi 4 mars, l’inscription de l’IVG dans la Constitution, franchissant la dernière marche permettant à la norme suprême de l’ordre juridique français de protéger le recours à l’avortement. Une première mondiale immortalisée sur l’esplanade du Trocadéro, où plusieurs centaines de personnes sont venues suivre sur écran géant la séance et le vote.

« C’est déjà presque fait, et c’est une joie immense mais surtout une fierté en tant qu’association féministe d’être dans un lieu symbolique pour célébrer un victoire historique », exprime Nina Mériguet, chargée de contentieux stratégiques à la Fondation des femmes. « C’est une victoire pour les femmes en France et dans le monde. On a envie que les féministes du monde entier se disent que c’est possible ».

« On ne connaîtra pas de scénario à l’américaine ! »

Sur le parvis des droits de l’Homme, on célèbre en ce jour de vote du Parlement, les droits des femmes. De nombreux drapeaux d’associations féministes flottent sur fond de ciel bleu, tandis que le public écoute religieusement le discours introductif du Premier ministre, Gabriel Attal.

« Ce texte est un rempart aux faiseurs de malheur », dit-il. Un malheur éprouvé par de nombreuses femmes à travers le monde, dont les droits sont chaque jour menacés, et auxquelles les associations féministes en France espèrent envoyer un signal d’espoir.

« On sait que le monde nous regarde, donc on essaie d’être inspirantes », affirme Nina Mériguet, évoquant une mobilisation à venir des associations féministes pour que le droit à l’IVG soit garanti au niveau européen. « Il y a eu des régressions fortes en Pologne, mais aussi en Hongrie, donc nous avons envie d’être l’exemple. Le combat ne s’arrête pas ce soir ».

Le discours de la sénatrice Laurence Rossignol arrache à la foule des applaudissements fournis. « Nous allons continuer pour celles qui résistent à Trump, Bolsonaro, Orban, Milei, Poutine et à Giorgia Meloni« .

En effet, les régressions en matière de droits des femmes et d’accès à l’avortement à l’étranger ont été un véritable signal pour les femmes, que leurs droits n’étaient pas acquis. Iphigénie et Pauline, étudiantes de 18 et 19 ans, racontent que la révocation de l’arrêt Roe v. Wade aux États-Unis, il y a près de deux ans, leur a permis de réaliser que leurs droits pouvaient se trouver en danger. « C’était un choc, on ne s’y attendait pas », se souviennent-elles. « C’est pour ça que contre les arguments qui disent que ce n’était pas indispensable [de constitutionnaliser l’IVG] car ce droit n’est pas menacé en France, je me dis que peut-être que les femmes aux États-Unis, quelques mois auparavant pensaient la même chose. C’est donc très important que, pour nous, ce soit ancré ».

 

Pour Hélène, 76 ans, « c’est la consécration. » Saluant le travail de plusieurs générations, elle se dit fière que la France soit le premier pays à franchir cette étape. « On ne connaîtra pas de scénario à l’américaine ! », jubile-t-elle.

« Moi je suis content parce que j’habite en France, mais si c’est dans tous les pays du monde, c’est encore mieux », affirme Mathéo, 20 ans. « On voit que partout dans le monde les droits des femmes sont attaqués, quand l’extrême droite arrive au pouvoir, ou quand la droite essaie de faire le jeu de l’extrême droite. Donc, ça me parait important de protéger autant que possible les droits des femmes », poursuit l’étudiant en histoire, venu sur la place du Trocadéro afin de « partager le moment, plutôt que de regarder ça tout seul sur [son] téléphone ».

« Cela restera une lutte au quotidien »

Originaires de Toulouse, Pauline et Alexandre, écoutent attentivement les discours des parlementaires défilant à la tribune du Congrès réuni au château de Versailles. De passage à Paris pour un court séjour, ils sont arrivés ici un peu par hasard. Un heureux hasard, estime Alexandre. « Le fait que ça se passe actuellement, sur une place où passent tellement de personnes venant de l’étranger, ça montre qu’on est le pays des droits de l’Homme, et c’est assez fou », s’enthousiasme-t-il. À ses côtés, sa compagne ne peut contenir ses larmes. Pauline est sage-femme et dit « voir au quotidien les conséquences du manque de moyens alloués et de personnel disponible pour les avortements ».

Les sages-femmes sont au cœur des débats qui subsistent aujourd’hui autour de l’IVG. En décembre dernier, un décret ouvrant la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer à l’hôpital les IVG avait suscité la colère d’une grande partie de la profession, en raison des restrictions auxquelles elle était adossée. Selon le décret – qui sera finalement réécrit par le gouvernement -, ces actes doivent être obligatoirement réalisés en présence d’un médecin spécialisé, d’un gynécologue-obstétricien et d’un anesthésiste. Censé permettre un accès plus large à l’avortement, le texte, en fixant ces conditions restrictives inapplicables dans une grande partie des centres d’IVG, ne permettait donc finalement pas un meilleur accès des femmes à l’avortement.

« Il va falloir continuer à travailler sur l’accès à l’avortement dans les centres du Planning familial, et sur le budget alloué », réagit à ce sujet Nina Mériguet. « Mais la constitutionnalisation de l’IVG est un moyen de pression supplémentaire nouveau, ça va nous faciliter la tâche ».

De son côté, Cécile, 54 ans, espère qu’une telle avancée contribuera à changer les mentalités. Mais pour l’heure, elle se dit prudente. « Même le jour où ce sera dans la Constitution, cela restera une lutte au quotidien au niveau des hôpitaux », dit-elle en évoquant le souvenir amer de la manière dont elle a été traitée lorsqu’elle-même a du interrompre une grossesse. « Ayant avorté, et ayant également eu une fausse couche, je peux vous dire que l’on n’est pas traités de la même manière : on vous prend en pitié lorsque vous avez une fausse couche ; on vous culpabilise quand vous avortez. »

« Il y a encore des difficultés d’accès à l’IVG », exprime en ce sens Marie Maranzana, militante au Planning familial. « La constitutionnalisation est une étape essentielle qui va permettre de lever en partie les tabous autour de l’IVG, et d’être un garde-fou pour l’avenir ».

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